Passion hivernale | Helen McNicoll

Petite histoire (de l'art) par Anne-Marie Bouchard, conservatrice de l'art moderne, MNBAQ
3 mars 2016

La collection d’œuvres d’art de l’homme d’affaires et philanthrope Pierre Lassonde, présentée dans l'exposition Passion privée, est le fruit de l’exercice de l’œil averti du collectionneur, qui avance patiemment, ne voulant acquérir que ce qu’il y a de mieux. S’en dégage également un amour pour le paysage, et plus particulièrement pour les scènes d’hiver, cette saison qui définit véritablement le Québec.

Nous souhaitions aborder ce sujet du paysage hivernal dans une série de billets de blogue décrivant près d'une vingtaine d'œuvres présentées en salle d’exposition.

Pour cet article, Anne-Marie Bouchard, conservatrice de l'art moderne au MNBAQ, décrit Montréal en hiver d'Helen McNicoll.

Montréal en hiver, d'Helen McNicoll
Helen McNicoll, Montréal en hiver, 1911. Huile sur toile, 45,7 x 35,4 cm. Collection Pierre Lassonde.

Montréal en hiver contraste fortement avec le reste de l’œuvre de McNicoll, tant par la thématique hivernale, qui implique un traitement différent de la lumière et de l’atmosphère, que par le genre pictural, la scène de rue, qu’elle n’abordera que très rarement. À l’instar de l’un de ses enseignants, l’impressionniste britannique Algernon Talmage, l’artiste privilégie les scènes rurales et passera la plus grande partie de sa carrière dans le sud de l’Angleterre, en particulier dans les stations balnéaires de Cornouailles, où sa palette s’exprime plus généralement dans des teintes chaudes estivales. Ses séjours au Canada furent probablement pour elle l’occasion d’expérimentations formelles qui sont à mettre en relation avec celles d’autres impressionnistes canadiens formés en France – parmi lesquels Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, James Wilson Morrice, Maurice Cullen ou Clarence Gagnon –, qui apprécièrent la puissance et la tonalité particulière de la lumière des hivers canadiens, aptes à inspirer de multiples variations du vocabulaire pictural inspiré des développements de la peinture européenne4. Ce faisant, ils donneront une tournure spécifique à la branche canadienne de l’impressionnisme international.

Dans le petit tableau Montréal en hiver, la neige occupe les deux tiers de la surface picturale, recouvrant entièrement la rue et l’arbre. Celle au sol est traitée assez schématiquement en de larges touches, tandis que celle qui s’accumule dans l’arbre reprend la manière des feuillages typiques de McNicoll, constitués de plus petites touches. L’arbre lui-même ne se révèle qu’à travers des parties du tronc et des branches dessinées de façon linéaire. Les personnages esquissés rapidement, non sans une maîtrise certaine, ressortent par leurs vêtements foncés, et l’architecture du bâtiment se voit partiellement recouverte de neige à son tour, ce qui crée des zones de fort contraste contribuant à donner au tableau une qualité de lumière unique. Comme dans plusieurs des œuvres peintes par McNicoll, les éléments naturels (feuillage, herbes ou neige) agissent tel un véritable motif décoratif qui structure un espace de représentation essentiellement modelé par la matière picturale.
 

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