Passion hivernale | Robinson (1 de 2)

Petite histoire (de l'art) par Anne-Marie Bouchard, conservatrice de l'art moderne, MNBAQ
18 mars 2016

La collection d’œuvres d’art de l’homme d’affaires et philanthrope Pierre Lassonde, présentée dans l'exposition Passion privée, est le fruit de l’exercice de l’œil averti du collectionneur, qui avance patiemment, ne voulant acquérir que ce qu’il y a de mieux. S’en dégage également un amour pour le paysage, et plus particulièrement pour les scènes d’hiver, cette saison qui définit véritablement le Québec.

Nous souhaitions aborder ce sujet du paysage hivernal dans une série de billets de blogue décrivant près d'une vingtaine d'œuvres présentées en salle d’exposition.

Pour cet article, Anne-Marie Bouchard, conservatrice de l'art moderne au MNBAQ, décrit Jour de soleil, La Malbaie d'Albert Henry Robinson.

Jour de soleil, La Malbaie de Robinson
Albert Henry Robinson, Jour de soleil, La Malbaie, 1926. Huile sur toile, 56,9 x 66,5 cm. Collection Pierre Lassonde.

Albert Henry Robinson développe le sujet de Jour de soleil, La Malbaie sur trois niveaux qui accentuent la planéité du support pictural en limitant les effets de perspective. Le chemin, sur lequel une carriole se déplace au premier plan, se disloque rapidement en nous menant sur la gauche de la toile, redirigeant le regard vers la masse de bâtiments puis vers une perspective se développant sur la droite et en hauteur. La totalité des motifs est structurée de manière à produire des effets de correspondances stylisées: l’orientation des toits est reprise dans celle des enfilades d’arbres sur les collines à l’arrière, tandis que la forme des conifères semble faire écho aux pentes des toits.

Sujet et motif central de l’œuvre, l’agglomération des bâtiments est notamment utilisée par Robinson pour varier l’ordonnancement de la touche. Le soin particulier porté au rendu des charpentes et du revêtement des maisons offre un contraste marquant avec celui de la neige qui les recouvre. La touche large et rectangulaire permet de modeler efficacement les masses avec une économie de moyens que Robinson partage avec les membres du Groupe des Sept, quoiqu’« utilisant un coup de pinceau contigu appliqué avec une certaine retenue classique qui favorisait, contrairement aux paysages anguleux en faveur dans le Groupe des Sept, un flot continu dans le dessin ». L’intérêt typiquement impressionniste du peintre pour les qualités de la lumière et les effets d’atmosphère se révèle dans la palette complexe de couleurs choisies, pâles et claires, qui harmonisent l’ensemble de la composition et soulignent la dimension décorative inhérente à sa recherche. Une première version de cette toile, qui présentait des architectures moins détaillées, fut montrée à la deuxième exposition d’art canadien de la Galerie nationale du Canada tenue à Ottawa en 19272. Ensuite repeinte et exposée l’année suivante au Salon du printemps de l’Art Association of Montreal, elle valut à Robinson le prix Jessie-Dow.

Laissez votre commentaire