Passion hivernale | Clarence Gagnon (3 de 3)

Petite histoire (de l'art) par Sarah Mainguy, détentrice d'une maîtrise en histoire de l'art de l'UQAM.
24 mars 2016

La collection d’œuvres d’art de l’homme d’affaires et philanthrope Pierre Lassonde, présentée dans l'exposition Passion privée, est le fruit de l’exercice de l’œil averti du collectionneur, qui avance patiemment, ne voulant acquérir que ce qu’il y a de mieux. S’en dégage également un amour pour le paysage, et plus particulièrement pour les scènes d’hiver, cette saison qui définit véritablement le Québec.

Nous souhaitions aborder ce sujet du paysage hivernal dans une série de billets de blogue décrivant près d'une vingtaine d'œuvres présentées en salle d’exposition.

Pour cet article, Sarah Mainguy, détentrice d'une maîtrise en histoire de l'art de l'UQAM, décrit La Clairière, œuvre de Clarence Gagnon.

Clarence Gagnon, La Clairière
Clarence Gagnon, La Clairière, entre 1908 et 1913. Huile sur toile, 55,2 x 74,9 cm. Collection Pierre Lassonde.

Depuis son départ pour la France en 1904, Gagnon n’avait peint que des sujets européens. L’année 1908 marque un tournant décisif pour sa carrière, car il revient au pays et renoue avec le thème du paysage canadien, dont il fera bientôt le sujet presque exclusif de ses œuvres. Cette décision de se tourner vers les paysages et les scènes typiques de sa terre natale ne sera pas que circonstancielle. Elle révèle plutôt la volonté de Gagnon de refléter l’identité canadienne dans sa peinture, et elle témoigne de son adhésion au mouvement pour la création d’un art national. Gagnon retourne alors à Baie-Saint-Paul, village de Charlevoix qu’il avait découvert six ans plus tôt. Le paysage de cette région ainsi que le caractère authentique de ses habitants avaient produit une forte impression sur lui; ce nouveau voyage semble avoir le même effet. Le 11 octobre 1908, Gagnon écrit depuis ce village à son marchand de tableaux : « J’aime beaucoup cet endroit […]. Il y a ici plus de travail que l’on peut en faire. » C’est à cette époque ou l’année suivante, alors qu’il se rend de nouveau à Baie-Saint-Paul, qu’il peint Lever de lune. On y voit quelques maisons du village, au bord de la rivière du Gouffre, dont les fenêtres éclairées font des taches de lumière dans la pénombre. Cette œuvre témoigne de l’attention que l’artiste accordera dès lors à bien transcrire la lumière particulière des pays nordiques. Il a effectivement habilement rendu la luminosité limpide caractéristique des soirées froides de l’hiver québécois.

Son amour du pays n’empêche pas Gagnon de retourner fréquemment en France, parfois pour de longs séjours. Il apporte alors quantité de pochades, de dessins ainsi que des photographies réalisées dans Charlevoix. Cette documentation lui sert d’inspiration pour créer des toiles de grand format dans son atelier parisien. Il aura bel et bien besoin d’inspiration, car il se fait offrir sa première exposition individuelle à la Galerie A. M. Reitlinger de Paris en 1913, qui portera le titre révélateur de Paysages d’hiver dans les montagnes des Laurentides au Canada. La pochade Lever de lune ainsi que la toile La Clairière figurent parmi la cinquantaine de scènes canadiennes qu’y présente Gagnon. L’accueil fait à cette exposition sera assez favorable. Plusieurs critiques seront surpris de voir des paysages enneigés représentés avec des couleursaussi vives et une lumière aussi éclatante.

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