Passion hivernale | Suzor-Coté (4 de 5)

Petite histoire (de l'art) par Anne-Élisabeth Vallée, détentrice d'un doctorat en histoire de l'art de l'UQAM
31 mars 2016

La collection d’œuvres d’art de l’homme d’affaires et philanthrope Pierre Lassonde, présentée dans l'exposition Passion privée, est le fruit de l’exercice de l’œil averti du collectionneur, qui avance patiemment, ne voulant acquérir que ce qu’il y a de mieux. S’en dégage également un amour pour le paysage, et plus particulièrement pour les scènes d’hiver, cette saison qui définit véritablement le Québec.

Nous souhaitions aborder ce sujet du paysage hivernal dans une série de billets de blogue décrivant près d'une vingtaine d'œuvres présentées en salle d’exposition.

Pour cet article, Anne-Élisabeth Vallée, détentrice d'un doctorat en histoire de l'art de l'UQAM décrit Rivière Gosselin de Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté.

Suzor-Côté, Rivière Gosselin
Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, Rivière Gosselin, 1901. Huile sur panneau, 14,1 x 13,3 cm. Collection Pierre Lassonde.

 

Cette petite pochade illustre l’un des sujets de prédilection de Suzor-Coté, la rivière Gosselin, qui traverse son village natal d’Arthabaska. Tout indique qu’il s’agit d’une étude exécutée directement sur le motif. En effet, son support de bois, son format restreint, son caractère esquissé ainsi que les lacunes latérales – un signe que le panneau fraîchement peint a été inséré dans une boîte adaptée au transport – sont des caractéristiques révélatrices d’un travail en plein air. Suzor-Coté y relève dans un plan rapproché le tracé en arabesque de la rivière, composition dont il semble apprécier l’effet décoratif, puisqu’il la reprendra maintes fois au cours de sa carrière7. Dans sa pochade, le peintre a su saisir les délicates nuances de bleu et de mauve qui colorent le ciel, le cours d’eau ainsi que les collines et la végétation à l’arrière-plan. Les eaux de la rivière, qui ont fait fondre la neige à certains endroits le long des berges, laissent apparaître çà et là des touches de vert, de brun et de sable.

Suzor-Coté a probablement réalisé cette étude entre août 1901 et janvier 1902, soit durant son premier séjour au Québec depuis son arrivée en France en 1897. Sans doute lors du même séjour à Arthabaska, l’artiste esquisse à la mine de plomb un motif semblable dans son carnet de croquis. De retour en France, il s’en inspirera sans doute pour exécuter le pastel intitulé L’Hiver au Canada, la rivière Gosselin (non localisé) qu’il expose au Salon des artistes français de Paris de 1902. Quatre ans plus tard, il y présentera une huile sur toile sur le même sujet (non localisée) reprenant la composition de la pochade. Comme le fait remarquer Laurier Lacroix, lorsque l’artiste exécutera sa toile finale, il semblera remettre en question l’impression éclatante de la nature canadienne livrée dans la pochade, puisqu’il optera plutôt pour une ambiance grisâtre beaucoup plus sobre.
 

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