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Yvon Cozic (1942-2025) : une grande perte pour l’art québécois

Depuis quelques jours, au réveil de la pause des deux fêtes nationales, le milieu des arts visuels québécois pleure le départ vers d’autres cieux d’Yvon Cozic. Celui-ci laisse dans le deuil Monic Brassard, avec qui il formait un des duos d’artistes les plus fascinants, vibrants et déjantés que le Québec ait connu. En 2019, la rétrospective que nous leur consacrions rappelait combien les deux artistes ont été partie prenante de la transformation du champ de l’art au Québec, dont ils ont été un moteur. Pas plus tard qu’en mars 2025, Yvon et Monic étaient parmi nous pour la présentation, dans le cadre du Festival international des films sur l’art, du documentaire Cozic en compétition officielle.

Abolir les clivages entre l’art contemporain et le public

Au sujet de la rétrospective, en 2019, le journaliste Éric Clément titrait dans La Presse, que les Cozic proposaient de « la poésie en habit d’art ». Depuis les années 1960, la paire a traversé « avec brio » les époques, écrivait encore le journaliste. Alors que l’on pleure la disparition d’Yvon, il fait bon se rappeler que Monic Brassard et lui s’étaient rencontrés en 1960 à l’École des beaux-arts de Montréal. Ils ont par la suite marqué l’art contemporain de cette décennie et des suivantes, notamment par des pratiques dans lesquelles ils prenaient plaisir à abolir les clivages qui pouvaient s’opérer entre l’art et le public. En un mot, les Cozic ont réduit cette distance par un art de la participation.

Yvon Cozic et Monique Brassard dans leur atelier, 2019

Pop, ludique, démocratique

L’art des Cozic a toujours été au service de l’autre. Dans les années 1960, ils réalisent des projets réalisés avec des non-voyants. De cette façon, la primauté de l’œil dans l’art s’est retrouvée au centre de leurs recherches, vouées de manière amusée aux autres sens, comme le toucher.

Avec eux, l’air était toujours rafraîchi. Je me souviens il y a plusieurs années – c’est le temps des aveux – n’avoir pas su quoi faire, comme critique d’art, avec la récupération de dizaines de boîtes de carton qui, une fois posées au mur, devenaient autant de visages dont les regards se portaient vers nous. Nous étions en 2002. Cette œuvre Face à face, s’était retrouvée au musée 17 ans plus tard. Je l’avais retrouvée avec le même sentiment ambigu, le même trouble. C’est peut-être le signe d’une œuvre forte, incontournable, qui traverse le temps comme les Cozic ont parcouru les époques en les pimentant de leurs œuvres le plus souvent espiègles, et toujours fortes sur le plan conceptuel.

Comme le rappelle le site internet des Cozic, Yvon Cozic fut également l’un des membres fondateurs de l’Académie québécoise de Pataphysique, cette science des solutions imaginaires, créée par Alfred Jarry, à laquelle il « a apporté sa curiosité, sa liberté de ton et son imagination toujours en mouvement ».

Un autre grand artiste nous quitte. On se souviendra toujours du caractère affable d’Yvon, qui était aussi un fin pédagogue, généreux et engagé. On n’oubliera jamais la contribution avérée des Cozic à l’art québécois. Nos pensées sont avec Monic.

  • Yvon Cozic et Monique Brassard lors de l'ouverture de l'exposition Cozic. À vous de jouer, 2019
  • Vue de l'exposition Cozic. À vous de jouer, 2019
  • Monique Brassard et Yvon Cozic lors du vernissage de l'exposition Cozic. À vous de jouer, 2019
  • Détail de l'exposition Cozic. À vous de jouer, 2019
  • Yvon Cozic et Monique Brassard lors de l'ouverture de l'exposition Cozic. À vous de jouer, 2019
  • Vue de l'exposition Cozic. À vous de jouer, 2019
  • Monique Brassard et Yvon Cozic lors du vernissage de l'exposition Cozic. À vous de jouer, 2019
  • Détail de l'exposition Cozic. À vous de jouer, 2019