Marcel Barbeau: rétrospective et hommages

Nouvelles par MNBAQ
23 janvier 2016

À l’occasion de la cérémonie rendant hommage à l’artiste Marcel Barbeau, en présence de ses proches et de ses amis, la directrice et conservatrice en chef du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) a fait l’annonce de la réalisation d’une rétrospective majeure, en 2018, qui couvrira l’ensemble de la carrière de l’artiste, s’échelonnant de la fin des années 1940 jusqu’à sa toute récente production.

L’exposition mettra en lumière les périodes marquantes de sa vie artistique, les diverses influences et inspirations qui ont imprégné sa création, exprimant ainsi toute la cohérence de son œuvre colossale en jetant un regard attentif et frais sur sa démarche essentielle. 

Toute l’équipe du MNBAQ apprenait avec tristesse le décès de Marcel Barbeau à l’âge de 90 ans, au début du mois de janvier, alors qu’elle travaillait déjà à l’élaboration de cette rétrospective d’envergure qui sera consacrée au pionnier de l’abstraction. L’héritage esthétique de Barbeau, est fondamental pour le développement de l’art contemporain du Québec, même s’il n’a jamais fait l’objet, à ce jour, d’une exposition rétrospective raisonnée. Le Musée s’était d’ailleurs engagé auprès de l’artiste, quelques mois avant son décès, à pallier ce manque et ainsi honorer l’ensemble de sa création. Tant par son audace que son ouverture envers les mouvements dominants d’ici et d’ailleurs, toutes disciplines confondues, Marcel Barbeau a su tracer une voie artistique des plus singulières, renouvelant sans cesse ses recherches qui, très tôt, furent investies de plusieurs formes d’art.

L’exposition et son catalogue, impliquant plusieurs collaborateurs, dévoileront cet investissement pluridisciplinaire, une polyvalence qui s’est exprimée dans des formes aussi variées que la peinture, le dessin, l’estampe, le collage, la sculpture, la performance, l’art public, ainsi que dans maints projets réalisés avec des compositeurs, des poètes et des danseurs. « Mes peintures et mes sculptures sont en constante mutation comme notre monde, comme la vie. J’aime surprendre et me surprendre moi-même, car chaque surprise révèle un peu plus la beauté du monde », disait-il. Ces mots, de monsieur Barbeau, sauront certainement guider l’équipe du Musée tout au long de la réalisation de ce formidable projet.
 

Une œuvre en hommage

En attendant la rétrospective, le MNBAQ a voulu, spontanément, rendre un hommage à cet artiste multidisciplinaire incomparable, en présentant au grand public une des œuvres de sa collection. Dès aujourd’hui, les visiteurs pourront admirer, dans le passage qui relie le pavillon central du Musée au pavillon Charles-Baillairgé, consacré à Quatre figures de l’art moderne du Québec, une œuvre de 1960, Des guirlandes dans les joues. D’un grand dépouillement, le dessin appartient à la période des « noir et blanc » de Barbeau. L’œuvre est composée de traits de différentes épaisseurs, tracés au feutre ou au pinceau. Tous semblent flotter sur le fond blanc sans rejoindre la bordure, hormis celui qui traverse de la gauche le cadre de sa pointe. Cette œuvre de grand format combine audace et maîtrise formelle. Son caractère essentiellement linéaire la range du côté du dessin tandis que son format la rapproche davantage de la peinture. 

Barbeau dans le pavillon PIERRE LASSONDE

À l’occasion de l’ouverture du pavillon Pierre Lassonde, à l’été 2016, une exposition sera consacrée à l’art contemporain, et l’œuvre de Barbeau, Kitchenombi – une suite de cinq grands tableaux gestuels exécutés devant public – en fera partie. Fruit d’une danse picturale, dans laquelle Barbeau, au rythme de la musique concrète inspirée à Dionne par les poèmes récités, s’élance dans l’espace pour investir la toile de signes colorés qui cristallisent la synthèse événementielle de disciplines aussi variées que la danse, la poésie, la musique et les arts visuels. 

MARCEL BARBEAU, en bref

L’artiste est né à Montréal, le 18 février 1925. Entre 1942 et 1947, il étudie à l’École du Meuble, fleuron de l’avant-garde artistique montréalaise de l’époque, où il sera formé en ébénisterie et en design. Paul-Émile Borduas, dont l’influence sera notoire sur le développement de sa pratique initiale, compte parmi ses professeurs. Il y fait également la connaissance de Jean-Paul Riopelle et de Maurice Perron, au contact desquels il s’intéresse au mouvement automatiste. Il fréquente alors l'atelier de Borduas, où il côtoie nombre d’artistes partageant différents intérêts (peintres, auteurs, photographes, danseurs et chorégraphes) – dont Fernand Leduc, les frères Gauvreau, Jean-Paul Mousseau, Françoise Sullivan et les sœurs Renaud – avec lesquels il cosigne le manifeste Refus global.

Différentes périodes modulent sa production. La première, dite « automatiste », comprise entre 1946 et 1957, valorise l’expression libre de l’inconscient et la spontanéité dans le geste. Vers 1947, ses compositions de type « all over », chargées de traits vigoureux, de giclées et de dégoulinements de peinture, sont inédites dans le paysage artistique du Québec. Les années 1959 et 1960 se caractérisent par de grands tableaux et dessins en noir et blanc. La négation des limites du cadre fait alors place à la dualité entre le fond et la forme de ses compositions. En 1960 s’amorcent l’expérience optique et l’intérêt pour la peinture cinétique. Cette nouvelle recherche, axée sur la perception rétinienne et l’illusion du mouvement – une tendance forte à New York comme en Europe –, s’inscrit dans le courant de l’Op Art, ou art optique, dont le peintre est l’un des pionniers au Canada. Suivront, au cours des années 1970 ses performances picturales réalisées en collaboration avec des musiciens et des danseurs, l’adoption d’une esthétique tachiste, vaguement impressionniste au cours des années 1980 et, plus récemment, le recours à une abstraction géométrique à caractère narratif. Marcel Barbeau menait, jusqu’à ses derniers instants, une pratique artistique soutenue.

Si elle relève généralement de la peinture et du dessin, la pratique de Barbeau se trouve très tôt investie de plusieurs formes d’art, au premier plan desquelles nous retrouvons la sculpture, mais également l’estampe, le collage, la photographie et la performance. Au cours de sa carrière, ces modes de création divers s’expriment à travers plusieurs projets de collaboration multidisciplinaire, principalement dans les champs de la poésie, de la danse et de la musique. Dans les années 1970, il intègre la gestuelle de ses tableaux au sein de performances chorégraphiques et picturales, menées en interaction avec le mouvement, le rythme et le son des danseurs et de la musique expérimentale. Son rôle, dans le développement de la performance transdisciplinaire, a d’ailleurs été reconnu à l’été 2013, à Paris, avec sa participation à l’événement international Nouvelles vagues, présenté du Palais de Tokyo.

Les œuvres de Marcel Barbeau ont été maintes fois exposées et collectionnées au Canada, aux États-Unis, en Europe et en Afrique du Nord. L’excellence de sa carrière et sa contribution notoire aux arts visuels contemporains ont été soulignées par de prestigieux prix, dont celui du Gouverneur général du Canada et le Prix Paul-Émile Borduas, doublé qu’il remporte en 2013. Marcel Barbeau menait, jusqu’à ses derniers instants, une pratique artistique soutenue.

Voyez l'ensemble des œuvres de Marcel Barbeau dans la collection du MNBAQ

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