L'art inuit : une passion

Nouvelles par Daniel Drouin, conservateur de l'art ancien
15 avril 2020

Conservateur en titre de l’art ancien depuis 18 ans, j’ai également eu le privilège entre 2005 et février de cette année de m’occuper du développement de la collection d’art inuit du MNBAQ.

Deux dates importantes jalonnent l’institution au chapitre de ce volet de collectionnement. La première concerne le départ, en 1984, de plusieurs centaines de sculptures acquises par le Musée du Québec au cours des années 1960 et 1970 et qui ont été cédées au Musée de la civilisation au moment de sa création parce jugées à l’époque relevant davantage de l’ethnologie que de l’art à proprement parler.

La seconde correspond à l’acquisition, en 2005, de la prestigieuse collection d’art inuit de Raymond Brousseau grâce à l’aide financière d’Hydro‑Québec et du collectionneur lui-même. Au moment de cette dernière acquisition, le Musée ne comptait dans ses réserves que cinq statuettes provenant du legs, en 1989, du docteur Marcel Carbotte, l’époux de Gabrielle Roy (1).

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J’ai donc fait mes armes comme responsable de la collection d’art inuit à partir d’une des plus prestigieuses collections d’art inuit au monde, avec bien entendu l’aide précieuse de mes collègues du Musée. Constituée de 2 635 œuvres, dont près de 2 100 sculptures d’une grande qualité, la collection de Raymond Brousseau est, en nombre, la quatrième en importance dans les musées canadiens et la seconde au Québec, après celle du Musée canadien de l’histoire.

Quelle école que d’avoir eu à travailler avec un corpus si exceptionnel en tous points, tant au niveau des artistes représentés – plus de 800, originaires principalement du Nunavik (Québec) et du Nunavut (Canada) –, que des médiums – sculpture, estampe, dessin et pièces ethnographiques !

Mes connaissances étaient alors très limitées, ce volet de l’art québécois et canadien n’étant pas très développé au moment de mes études en histoire de l’art durant les années 1980. Je me souviendrai toujours de mon premier coup de foudre au contact de cette collection. Il s’agissait d’œuvres du sculpteur Judas Ullulaq exposées dans le Musée d’art inuit Brousseau sur la rue Saint-Louis, à Québec (2).

J’étais fasciné par l’expressivité singulière des personnages située à mi‑chemin entre l’horreur et le ludique. Je ne connaissais encore rien de la véritable culture inuite, des contes et des légendes, voire de la vie de cet artiste en particulier. Les visages, taillés dans une pierre noire – j’apprendrai plus tard qu’il s’agissait de pyroxénite –, m’ont hanté durant des semaines.

En 2006, alors que je travaillais à la préparation de l’exposition Inuit. Quand la parole prend forme qui venait de connaître un franc succès en France, j’ai été en contact étroit avec des œuvres de Manasie Akpaliapik taillées dans l’os de baleine. Je pense entre autres à Souvenir d’un naufrage (3), à Autodestruction (4) ou encore à Hommage aux animaux (5) qui m’ont littéralement bouleversé par la puissance évocatrice de leurs thématiques.

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Sans savoir que j’allais le rencontrer des années plus tard et que j’allais également être commissaire d’une exposition qui lui serait consacrée, je découvrais en Manasie un artiste hors norme, d’une sensibilité désarmante et d’une virtuosité à couper le souffle qui m’ouvrait à la réalité peu ou mal connue des Inuits du Canada.

Photo: Idra Labrie, MNBAQ

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Depuis 2016, Maternité (6), l’une des pièces les plus spectaculaires de l’artiste et incidemment la sculpture la plus grande de toute la collection d’art inuit du Musée, fait l’unanimité des visiteurs de l’exposition Ilippunga du pavillon Pierre Lassonde à cause du sujet, certes, émouvant, mais également dû aux formes si particulières et l’aspect si intriguant du matériau, l’os de baleine, que l’on découvre en quelque sorte.

L’automne prochain, le MNBAQ inaugurera Manasie Akpaliapik. Univers inuit, une exposition solo consacrée à l’artiste originaire d’Arctic Bay. Vous aurez la chance d’admirer quarante nouvelles sculptures. Manasie et sa conjointe ont étroitement travaillé avec le Musée pour la réalisation de ce rendez-vous muséal à ne pas manquer.
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(1) AIsa Paddy Aqiattusuk Akeeaktashuk 
Pêcheur, entre 1948 et 1954
Collection du Musée national des beaux arts du Québec, Legs Marcel Carbotte

(2) Judas Ullulaq 
Mère et enfant, 1997
Collection du Musée national des beaux arts du Québec, Collection d'art inuit Brousseau, achat grâce à une contribution spéciale d'Hydro Québec
© Canadian Arctic Producers

(3) Manasie Akapaliapik
Souvenir d'un naufrage, 1994
Collection du Musée national des beaux arts du Québec, Collection d'art inuit Brousseau, don de la Galerie Brousseau et Brousseau inc.
© Manasie Akpaliapik

(4) Manasie Akpaliapik
Autodestruction, 1995
Collection du Musée national des beaux arts du Québec, Collection d'art inuit Brousseau, don de la Galerie Brousseau et Brousseau inc.
© Manasie Akpaliapik

(5) Manasie Akpaliapik
Hommage aux animaux, 1996
Collection du Musée national des beaux arts du Québec, Collection d'art inuit Brousseau, don de la Galerie Brousseau et Brousseau inc.
© Manasie Akpaliapik

(6) Manasie Akpaliapik
La Maternité, 2000
Collection du Musée national des beaux arts du Québec, Collection d'art inuit Brousseau, achat grâce à une contribution spéciale d'Hydro Québec
© Manasie Akpaliapik

3 Commentaires

Merveilleux. Manasie Akpaliapik et son épouse seront ils présents lors de cette exposition ?

Gascon Michel

Manasie Akpaliapik et son épouse devraient être avec nous pour le vernissage.

MNBAQ

J'ai découvert l'art Inuit grâce à mon père, capitaine au long cours, qui a rapporté du grand nord plusieurs œuvres impressionnantes dès les années 70. J'ai vraiment hâte d'en découvrir davantage lors de cette nouvelle exposition. Merci de vous y intéresser.

Anne-Hélène Dussault

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