Passion hivernale | Suzor-Coté (3 de 5)

Petite histoire (de l'art) par Anne-Élisabeth Vallée, détentrice d'un doctorat en histoire de l'art de l'UQAM
22 février 2016

La collection d’œuvres d’art de l’homme d’affaires et philanthrope Pierre Lassonde, présentée dans l'exposition Passion privée, est le fruit de l’exercice de l’œil averti du collectionneur, qui avance patiemment, ne voulant acquérir que ce qu’il y a de mieux. S’en dégage également un amour pour le paysage, et plus particulièrement pour les scènes d’hiver, cette saison qui définit véritablement le Québec.

Nous souhaitions aborder ce sujet du paysage hivernal dans une série de billets de blogue décrivant près d'une vingtaine d'œuvres présentées en salle d’exposition.

Pour cet article, Anne-Élisabeth Vallée, détentrice d'un doctorat en histoire de l'art de l'UQAM décrit Village en hiver de Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté.

Suzor-Côté, Village en hiver
Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, Village en hiver, 1913. Huile sur toile, 62,9 x 92,7 cm. Collection Pierre Lassonde.

 

Contrairement à son confrère Clarence Gagnon, reconnu pour ses scènes de villages enneigés et leurs maisonnettes aux couleurs vives, Suzor-Coté privilégie les paysages purs ou qui ne recèlent que peu de traces de présence humaine, préférant travailler sur les impressions changeantes de la nature. Certaines de ses œuvres font toutefois exception à cette règle, comme le démontrent Village en hiver et Vieille Cabane à sucre, qui misent toutes deux, mais chacune à sa manière, sur le caractère pittoresque de l’architecture traditionnelle du Québec.

Dans Village en hiver, une huile sur toile peinte en 1913, Suzor-Coté reprend l’essentiel d’une composition antérieure intitulée Une rue de village canadien en hiver (coll. Toronto Club), qui lui avait valu de nombreuses louanges lors de sa présentation sous le titre A Street in Arthabaska, Winter au Salon de l’Académie royale des arts du Canada l’année de sa réalisation, en 1910. Cette réception favorable l’avait probablement incité à inclure ce tableau parmi ses envois au Salon de Paris, l’année suivante. Il l’expose de nouveau à Ottawa en 1912, où il réussit peut-être à le vendre, ce qui pourrait expliquer sa volonté d’en produire une nouvelle version un an plus tard.

Reproduisant à peu de chose près le sujet et la mise en page de l’œuvre antérieure, Village en hiver illustre un chemin enneigé bordé de maisons aux dimensions et aux couleurs variées typiques des villages québécois d’antan avec leur toiture à deux versants. Le point de vue diffère légèrement de la composition initiale, qui accordait beaucoup d’espace à la représentation de la neige et, surtout, de l’ombre portée aux contours bien définis et aux reflets bleu violacé. L’artiste conserve ici cette ombre très particulière, mais semble relever le regard pour s’intéresser davantage au rendu du ciel et des arbres, traités par petites touches qui créent un effet vibrant. La carriole que l’on devinait au loin dans la première version a cédé le pas à la figure tout aussi pittoresque d’un homme poussant un traîneau chargé de bois de chauffage.

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