Petite histoire (de l'art) par Anne-Marie Bouchard, conservatrice de l'art moderne au MNBAQ
8 mars 2019

Anne Savage entreprend sa formation artistique à 18 ans, à l’école de l’Art Association of Montreal, où elle obtient une bourse et le prix Kenneth-R.-MacPherson pour la meilleure peinture. En 1919, elle fréquente pendant quelques mois la Minneapolis School of Art, aux États-Unis, puis revient à Montréal, où elle participe, l’année suivante, à la création du Groupe de Beaver Hall. Très proche d’Alexander Young Jackson, elle est invitée à exposer avec le Groupe des Sept en 1931. Elle compte parmi les membres fondateurs du Canadian Group of Painters en 1933, puis de la Société d’art contemporain en 1939.

Savage est reconnue pour ses paysages, à la différence de la plupart de ses consœurs du Groupe de Beaver Hall, qui manifestent une prédilection pour la figure humaine. Pendant toute sa carrière, elle sera active dans l’enseignement des arts, en plus d’exposer régulièrement son travail. Elle prendra notamment part à l’exposition Canadian Women Artists en 1947-1948, avant que ne lui soient consacrées plusieurs rétrospectives soulignant l’intérêt et l’originalité de son parcours artistique.

L’artiste a grandi à Dorval, où ses sœurs et elle ont souvent eu l’occasion de visiter la maison rouge[1]. Ce n’est donc pas sans une certaine nostalgie qu’elle choisit de la peindre, plusieurs années plus tard. La vision qu’elle en propose met en évidence des qualités stylistiques affirmées. Les éléments structurants de la composition, comme l’habitation et les grands arbres qui la bordent, traduisent une volonté de schématiser les formes et de réduire la palette de couleurs saturées à des fins de puissance expressive et décorative. La juxtaposition de lignes droites et courbes ainsi que le choix restreint et minutieux des détails donnent à l’ensemble un dynamisme subtil, qui conduit l’œil du spectateur d’un motif à l’autre de la représentation.

Sensible aux recherches picturales menées à son époque, Savage maîtrise l’art d’en intégrer les principes et les innovations formelles les plus fécondes pour les mettre au service d’un style qui lui est propre. Inspirée par les tableaux du Groupe des Sept, elle semble néanmoins perméable à une peinture qui n’est pas exempte d’une forme de régionalisme, courant en vogue au Québec dans les années 1920. En ce sens, son œuvre témoigne d’une confluence de plusieurs réseaux d’artistes et, par extension, de plusieurs conceptions du modernisme. Par là même, elle permet de nuancer concrètement notre compréhension du développement de la modernité picturale au Québec.

Crédit : Savage, Anne, Sunflowers, Laurentians, near Lake Wonish. 1935. Huile sur panneau de bois. 40,5 x 43,2 cm. (2018.289)


[1] Janet Braide, Anne Savage : sa vision de la beauté, catalogue d’exposition, Montréal, Musée des beaux-arts de Montréal, 1979, p. 34.

 

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