Les arts décoratifs à la maison

Nouvelles par Bernard Lamarche, conservateur de l'art actuel
20 avril 2020

Cette semaine, parcourons la salle des arts décoratifs au MNBAQ. Cette dernière expose des objets de toutes natures – mobilier, affiches, bijoux, pièces de verre, etc. – qui, grâce à la créativité des designers, réinventent l’image du monde matériel dans lequel nous vivons.

Dans le guide de la collection Arts décoratifs et design du Québec, notre ancien conservateur des arts décoratifs, Paul Bourassa, explique que ces objets ont contribué à bâtir un imaginaire pour le Québec, sur les plans individuel et collectif. Il va sans dire que cet imaginaire est troublé en ces temps de confinement. Cela nous permet peut-être de focaliser sur la sphère domestique, que plusieurs télétravailleurs expérimentent autrement en ce moment.

On a vu se multiplier dans les médias sociaux et dans la presse des images d’espaces de travail improvisés dans plusieurs maisons. Certains rêveraient peut-être de se nicher dans la Capsule de travail « Clipper CS-1 » imaginée par le designer industriel Douglas Ball (1994) (1). En ces temps où la proximité n’est pas de mise, où la collaboration se fait à distance et les réunions virtuelles donnent lieu à des intrusions cocasses de la vie quotidienne, cette capsule autonome favorise « l’isolement propice à la concentration ». Un îlot de quiétude en ces temps de troubles.

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Pour ceux qui souffriraient de claustrophobie, mais qui sont sensibles à l’épuration et les lignes sobres, le bureau et le retour Alumna, de Jacques S. Guillon & Associés, seront préférables (2). Ils se trouvaient dans les lieux de travail de la Compagnie canadienne de l’Exposition universelle de 1967, où planchaient les « meilleurs architectes et designers du pays ». Véritable laboratoire de design, Expo 67 aura fourni l’occasion d’explorer à tout vent. Plusieurs spécimens de cette effervescence se trouvent en salle.

Pendant ce temps, en Italie, Albert Leclerc travaille comme responsable du design d’exposition au sein de la firme Olivetti, chef de file dans le domaine des équipements de bureau. Il a proposé des accessoires de bureau vus aujourd’hui comme typiques de l’époque, soit un porte-mémos, un porte-crayons et un porte-trombones en caoutchouc synthétique, aux formes curvilignes et aux couleurs très voyantes. Quelques lampes pourraient compléter le décor, dont celle de Douglas Ball et de John Berezowsky, la Glo-Up (1969), bien de son temps avec ses acryliques colorés.

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Il faut un peu de musique pour passer les crises, conseille les responsables de la santé publique. Quoi de mieux pour ce faire que cette chaîne stéréophonique imaginée par André Morin pour RCA (1969) (3) ? D’essence « pop » ‑ « à gogo » selon notre guide des collections ‑, ce bijou de design se vendra à 165 000 exemplaires l’année de sa commercialisation ! Disons que sa ligne et ses matières plastiques détonnent avec le dépouillement d’un équipement autrement plus haut de gamme, soit la platine tourne-disque Oracle Delphi Mk I, de la toute fin des années 1970, signée Marcel Riendeau. Une des meilleures à son époque, une allure dépouillée, un look high-tech.

Dans la maison, il faudra bien s’asseoir. Plusieurs chaises iconiques sont visibles en salle. Pour l’extérieur, la fameuse Solair, de Fabio Fabiano et de Michel-Ange Panzini (1972) est devenue un référent dans le paysage québécois (4). Pour l’intérieur, la Chaise « Punt », conçue par Élaine Fortin pour le Fogo Island Inn en 2012, au large de Terre-Neuve, évoque le voyage. « Elle s’inspire de la technique de fabrication des punt boats, barques de pêche locales dont les membrures sont faites de pièces taillées à même la courbure naturelle du bois ».

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Du reste, la Chaise berçante « Étoffe », un classique revisité par Guillaume Sasseville pour les Ateliers St-Jean (2014), tout enveloppante, est de mise pour les jours de réconfort. Toutefois, avec son nom pour le moins stéréotypé et un brin machiste, rattrapé heureusement par un humour qui culbute les poncifs évoqués, la Chaise « HIH (Honey I’m Home) » (2002) de Cédric Sportes, remporte la palme (5). Elle ne saurait mieux résonner avec une formule désormais célèbre, prononcée par notre premier ministre récemment : « Awèye à maison ».

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(1) Douglas Ball, pour New Space
Capsule de travail « Clipper CS 1 » (1994)
Collection du Musée national des beaux arts du Québec, Don de Douglas Ball
© Douglas Ball

(2) Jacques S. Guillon & Associés, pour Art Woodwork
Bureau et retour, de la série «Alumna» (1961)
Collection du Musée national des beaux arts du Québec, Don de Fred Korman
© Jacques S. Guillon & Associés ltée

(3) André Morin, pour RCA Victor
Chaîne stéréophonique RCA (modèle SFA 1094) de la « Collection Forma » (1967)
Collection du Musée national des beaux arts du Québec, Achat grâce au Fonds d'acquisition des employé(e)s du Musée national des beaux arts du Québec
© André Morin

(4) Fabio Fabiano; Michel Ange Panzini
Chaise « Solair » (1972)
Collection du Musée national des beaux arts du Québec, Don de la famille Myriam Bethléhem
© Michel Ange Panzini

(5) Modesdemploi, conception de Cédric Sportes
Chaise HIH (« Honey I'm Home ») (2002)
Collection du Musée national des beaux arts du Québec, Achat grâce à l'appui du Conseil des arts du Canada dans le cadre de son programme d'aide aux acquisitions
© Modesdemploi

2 Commentaires

Merci pour la visite de ces très beaux souvenirs

Carole

Bonjour, Bravo pour l’initiative c’est très intéressant Bravo pour l’initiative c’est très intéressant Il me semble que lors d’une visite j’ai vu des créations de jeunes artistes comme celle de Philippe Malouin qui est à Londres et travaille dans plusieurs pays... Il serait intéressant de partager tout ce qu’il a accompli et conçu, un jeune de chez nous Belle journée

Monique

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