Parlons d'amour avec Evergon

À voir par Bernard Lamarche, Conservateur de l’art actuel (2000 à ce jour)
2 décembre 2022

Lors du vernissage de sa très attendue rétrospective au Musée national des beaux-arts du Québec, l’artiste Evergon a livré un discours poignant, qui portait sur les motivations qui ont mené sa carrière, tant sur le plan de l’art que sur le plan social et politique. Plusieurs personnes présentes ce soir-là ont demandé que ce discours, riche à plusieurs points de vue, soit partagé. Nous vous l’offrons ici.

La première partie de ce discours a été lue en français, par l’artiste Jean-Jacques Ringuette, collaborateur de longue date d'Evergon, tant comme modèle que comme co-créateur au sein du duo des Grincheux chromogènes, dont on peut voir des œuvres dans les salles du MNBAQ. La seconde partie a été prononcée en anglais par Evergon.

Vous trouverez ici une traduction française de ces mots :

«Cette rétrospective est le témoignage de mes nombreuses amours et une prise de position politique ferme en regard de l’homosexualité.

Nous, les gays, les lesbiennes et tous les autres ne passerons pas facilement à l’histoire de plein droit comme nous le devrions.

Nous ne formons pas une race, nous ne procréons pas et dès lors, jusqu’à récemment, nous n’avions pas droit au chapitre.

On se souvient de nous pour nos tristes victoires en tant que culture marginale : des hommes condamnés à brûler vif au bûcher, des "hystériques", hommes et femmes, enfermés en asile jusqu’à l’oubli. Un triangle rose pour identifier les prisonniers des camps de concentration sur lesquels on faisait des expériences ou que l’on gazait lors de la Deuxième Guerre mondiale. Les exilés des camps d’internement en Russie ou aux États‑Unis. Des prisonniers argentins jetés dans l’océan par-dessus bord d’avions ou croupissant en prison les dents arrachées pour mieux servir les autres prisonniers. Et le sida, odieusement nommé la "peste" gay…

Malheureusement, les atrocités se poursuivent encore à l’échelle de la planète.

Mais notre héritage est toujours transmis à coup de résilience…

J’ai vécu plus de 50 ans du mouvement de libération gay, des émeutes de Stonewall à New York en 1969 jusqu’à l’intolérance persistante de nos jours.

«Cette rétrospective est le témoignage de mes nombreuses amours et une prise de position politique ferme en regard de l’homosexualité.»

Mon art n’est pas facilement assimilable, même au sein de ma communauté…

Je salue donc le courage du Musée national des beaux-arts du Québec, du commissaire de l’exposition Bernard Lamarche, de la directrice des expositions Annie Gauthier et de leur assistant, Didier Morelli.

J’ai eu le plaisir de travailler avec les trois; et quel plaisir ce fut!

Je tiens aussi à remercier tout le personnel qui a contribué à rendre cette exposition possible, notamment l’équipe des relations publiques et celle qui a réalisé le catalogue.

Merci au Conseil des Arts du Canada pour une bourse substantielle qui m’a permis de revenir sur toutes ces œuvres et de poursuivre mes projets. J’ai pu ainsi travailler avec mon ami Christopher Boyne et poursuivre ma démarche avec mon partenaire de création actuel Jean-Jacques Ringuette.

Merci finalement à tous mes proches, mes amis et ma famille qui m’ont apporté leur soutien au cours des deux dernières années de tourments émotifs et professionnels.

Nous, les gays, les lesbiennes et tous les autres avons témoigné haut et fort de ce que nous sommes. L’histoire saura rendre hommage à nos victoires, à nos amours comme à nos pertes.

Mais aujourd’hui, ce soir, parlons d’amour…

LOVE!

(ici Evergon prend la parole en anglais)

Parlons de l’amour d’une mère pour ses fils et de celui d’un fils pour sa mère.

De celui des amis, des amants et des conjoints.

Tout est là en noir et blanc et tout est là en couleur.

Mes œuvres sont dédiées aux amis et aux amants ou maris qui ont traversé ma vie, gays, queers ou hétérosexuels.

Et par-dessus tout à ma super-mère, Margaret.

Plusieurs des œuvres relèvent de la docu-fiction. Des photographies véridiques, mais aussi une forme de conte. Des personnages, des paysages et des objets qui portent tous leur propre fiction.

Un hommage aux êtres qui ont fait de vous ce que vous êtes.

Un hommage aux femmes et aux hommes qui m’ont permis de devenir ce que je suis aujourd’hui.

Maintenant, célébrons!»

Evergon

 

Evergon. Théâtres de l’intime. À voir jusqu'au 23 avril 2023 au MNBAQ.

 

Photo : Evergon lors du vernissage de l'exposition. © Denis Legendre, MNBAQ.

1 Commentaire

L’être humain ne se définit pas par son orientation sexuelle mais par sa proximite avec la lumière et la créativité Au delà de toutes les lois de la terre et du monde de la mort

Milot ginette

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