Au revoir Alan Glass

Nouvelles par Eve-Lyne Beaudry, conservatrice de l'art contemporain
19 janvier 2023

Une nouvelle étoile scintille dans le ciel… Au revoir Alan Glass.

C’est avec grande tristesse que le MNBAQ a pris connaissance du décès de l’artiste Alan Glass, le 16 janvier 2023. Le Musée a récemment eu le privilège d’acquérir quatre œuvres dans sa collection qui s’ajoutaient aux sept autres déjà conservées.

Alan Glass occupe une place singulière dans l’histoire de l’art au Québec, où il demeure peu connu, contrairement au Mexique où il vivait depuis 1970. Né à Montréal en 1932, Glass étudie à l’École des beaux-arts de Montréal de 1949 à 1952 avec Alfred Pellan, qui lui fait découvrir le fauvisme, le cubisme et le surréalisme. Boursier du gouvernement français en 1952, il s’inscrit à l’école des Beaux-Arts de Paris, puis à l’école du Musée de l’Homme et à la Sorbonne.

Il décide toutefois d’abandonner son éducation formelle pour fréquenter le milieu du surréalisme à Paris, où il côtoie entre autres André Breton et Benjamin Péret. Ce sont eux qui organisent sa première exposition de dessins à la galerie surréaliste Le Terrain Vague, en 1958, à Paris. Glass est alors reconnu pour la qualité de ses dessins et son travail retient l’attention du milieu.

De 1955 à 1962, il voyage en Europe et au Moyen-Orient où il visite entre autres la Grèce, la Hongrie, la Yougoslavie et la Tchécoslovaquie. Toujours à la recherche d’objets insolites, Glass parcourt les marchés aux puces, les bouquinistes, les antiquaires et les brocantes. C’est à ce moment qu’il rapporte des centaines d'œufs de Pâques peints et s’intéresse à cette tradition folklorique et familiale encore très forte à l’époque en Europe de l’Est.

ALAN GLASS ET LE Mexique

Il fait son premier voyage au Mexique en 1962 après avoir été enchanté par les « calaveritas de azúcar », crânes en sucre utilisés pour orner les autels lors des célébrations du Jour des morts.

Glass s’installe temporairement chez le réalisateur Alejandro Jodorowsky et entreprend une série de dessins et de peintures sur papier blanc ou toile blanche avec des couleurs très pâles. Jodorowsky dit : « Alan est très étrange. Lorsque je pars le matin, il est en train de peindre et lorsque je reviens en fin d'après-midi, il travaille toujours intensément, mais le papier reste blanc*. »

Glass rencontre Leonora Carrington, l’auteure et artiste surréaliste, et se lie d’amitié avec elle, tous deux partageant un intérêt pour les doctrines ésotériques et la quête d'illumination spirituelle. Il retourne pour un deuxième voyage au Mexique en 1963, où il s’installera de façon permanente.

Au Québec, il présente son travail dans plusieurs expositions solos, notamment à la Galerie du Siècle (1965), à la Galerie de Montréal (1972), à la Galerie Gilles Corbeil (1977) et à la Galerie du Grand Théâtre (1985). Au Mexique, il expose à la Galería Antonio Souza (1966), à la Galería Pecanins (1972 et 1982) et au Musée d’art moderne (1976).

Son exposition Los Relicarios à la Galeria d’Antonio Souza (1966) est largement saluée par les critiques d'art et les intellectuels. Ceux-ci soulignent la contribution unique de Glass dans les cercles artistiques mexicains d'avant-garde des années 1960. Une rétrospective, Zurcidos Invisibles - Reprisages invisibles, lui est consacrée en 2008 au Musée d’art moderne de Mexico.

Alan Glass participe aussi à plusieurs expositions collectives, dont The Box Show à la Byron Gallery de New York (1965); Arte fantastico au Musée d’art moderne de Mexico (1967); Sculpture contemporaine canadienne au Centre Saidye Bronfman, à Montréal (1979); Le dessin surréaliste au Québec au Musée d’art contemporain de Montréal (1979); Imagenes en Cajas au Museo Rufino Tamayo à Mexico (1985); et Los Surrealistas en Mexico au Musée national d’art, à Mexico également.

En 2009, il fait l’objet d’un film du réalisateur Tufic Makhlouf Akl, Alan Glass : À travers le cristal. Les œuvres de l’artiste se retrouvent dans plusieurs collections majeures, par exemple celle du Musée d’art moderne, à Mexico, au Musée des beaux-arts de Montréal, au Metropolitan Museum of Art de New York, au Musée d’Art Moderne de Paris, au Musée d’art contemporain de Montréal ainsi qu’au Musée national des beaux-arts du Québec.

Il y a très peu de traces de l’apport des artistes québécois à l’esthétique surréaliste de la seconde moitié du 20e siècle : outre Alan Glass, on peut évidemment parler d’Alfred Pellan, mais aussi de Mimi Parent, Léon Bellefleur et Jean Benoît. L'œuvre de Glass est principalement influencée par les mouvements surréalistes et dadaïstes, mais l’artiste puise surtout dans son imagination sans bornes et dans de nombreuses autres sources: souvenirs d'enfance (contes de fées, mythes celtiques, Alice au pays des merveilles, la forêt enchantée), personnages historiques (la reine Elizabeth I et le roi Louis II de Bavière), spiritualité, divinité féminine, nature, navigation, poésie et astrologie.

Artiste et artisan

Au cours de sa carrière, il a recours à différentes disciplines et multiples matériaux dont le dessin, la peinture, les collages, les constructions tridimensionnelles, les sculptures, les œufs peints, les créations anamorphiques, les objets surréalistes, les boîtes et les assemblages.

En plus d’être un collectionneur de longue date, Glass est aussi un artisan exceptionnel. Il apprend à tricoter et à broder et développe d’ailleurs une fascination pour les broderies et la dentelle, éléments qui apparaissent dans certains de ses dessins et peintures.

Pour ses peintures sur coquilles d'œufs, il utilise habilement les techniques des miniaturistes. Parmi les artistes qu’il admire, on peut citer Giorgio de Chirico, Max Ernst, Joseph Cornell, Henri Rousseau, Gustave Moreau, Victor Hugo, Jean Dubuffet, William Blake et William Turner, parmi tant d’autres.

L'œuvre de Glass, dotée d’une hypersensibilité, d’une virtuosité et d’un lyrisme évident, mérite qu’on la redécouvre afin de mieux en saisir la portée réelle.

Nous vous souhaitons, Alan Glass, un doux voyage parmi les étoiles…



*Glass, Alan et Nonaka, Masayo. Alan Glass. Madrid, Turner, 2012, p. 41.

Crédits

1 - Alan Glass, Dessin nº 20 (vers 1965) © Alan Glass

2 - Alan Glass, La Rose des vents (1965) Don de l'artiste. Restauration effectuée par le Centre de conservation du Québec © Alan Glass

3 - Alan Glass, Sans titre (entre 1972 et 1976) © Alan Glass

 

 

2 Commentaires

Les Archives nationales à Montréal conservent la volumineuse correspondance d'Alan Glass à Solange Legendre https://www.banq.qc.ca/explorer/articles/correspondance-entre-alan-glass-et-solange-legendre/

Marthe Léger

Un artiste magnifique dont j’ignorais l’existance. Merci pour la publication.

Sulvain St-Pierre

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