Jean-Paul Riopelle

Petite histoire (de l'art) par Bernard Lamarche, conservateur de l’art actuel (2000 à ce jour), MNBAQ
13 février 2014

Toute une salle pour Riopelle

 

Bernard Lamarche, commissaire de l'exposition "Jean-Paul Riopelle. Métamorphoses" et conservateur de l’art actuel au MNBAQ, explique pourquoi l'oeuvre de Riopelle fascine tant...

 

La présence de Jean-Paul Riopelle est majeure dans l'évolution de l’art du 20e siècle au Québec. Il est sans conteste l’artiste qui, à son époque, a le plus percé les frontières de l’art international. Son œuvre est mêlé à l’histoire des avant-gardes européennes et américaines du 20e siècle, dont l’artiste a fréquenté les membres au début de sa carrière. Il est également lié aux questionnements relatifs à l’abstraction et à la figuration, que Riopelle a tour à tour privilégiées au gré de ses pulsions créatrices. Ce dernier n’a pourtant jamais cessé de poursuivre une vitalité et une diversité qui s’expriment aussi bien lorsqu’il étale la matière dans des effets de mosaïque que lorsqu’il recourt de nouveau à la figure, notamment à partir des années 1960. Pour plusieurs, il était même notre Picasso.

Les études sur l’art de Riopelle et les expositions qui lui sont consacrées ici comme ailleurs, qui présentent ses œuvres selon des contextes renouvelés, ne cessent de voir le jour. C’est dire combien la fortune critique de Jean-Paul Riopelle n’a pas fini d’être nourrie. Il y a deux ans, le Musée Guggenheim de New-York l’incluait dans une exposition commémorative de sa propre histoire en présentant deux œuvres de 1953 dans un accrochage intitulé Art of Another Kind: International Abstraction and the Guggenheim, 1949-1960. L’exposition laissait la place aux croisements et aux passages entre les scènes européennes et américaines autour de l’abstraction, une dimension qui a marqué l’essentiel de la carrière de l’artiste. Sa présence dans ce contexte replace Riopelle dans le grand récit de ce qui a été qualifié d’un « art autre » par le critique Michel Tapié en 1952. L’exposition plaçait la lorgnette sur des artistes considérés par James Johnson Sweeney, directeur du Guggenheim dans les années 1950, comme des « casseurs de pensées toutes faites », des « tastebreakers ». Peu après, L’art en guerre, France 1938-1947. De Picasso à Dubuffet, au Musée d’art moderne de la ville de Paris, a continué à recadrer la place de Riopelle, présent parmi les œuvres de l’après-guerre de la seconde section de l’exposition , questionnant la redéfinition des grands mouvements modernes. Outre Riopelle, le seul autre Québécois à faire partie de cette présentation, réunissant plus de 100 artistes, était Fernand Leduc.

Depuis 1956, notre musée a assemblé une collection qui constitue aujourd’hui le plus important fonds public d’œuvres de Riopelle. Le récit de cette quête est couché dans un ouvrage paru en 2002, La collection Riopelle du Musée du Québec. Histoire brève et morceaux choisis. Il était grand temps de présenter la vaste étendue de cette collection.

L’œuvre de Riopelle continue de fasciner et fait l’objet de recherches qui, encore récemment, s’intéressaient à la sculpture de l’artiste, à ses estampes, à ses dessins, faisant ressortir des aspects méconnus d’une pratique multiforme. Cette constante redécouverte des ramifications de sa production réaffirme l’étendue de son art et permet à de nouvelles figures de se substituer à celle, mythique, du « trappeur supérieur » que lui avait accolée André Breton lorsqu’il l’avait accueilli au sein du mouvement surréaliste dans les années 1940. Riopelle est un passeur de sensibilités.

Tout porte à croire que Riopelle a couvert un territoire de création passablement plus large que ce que laissent envisager les œuvres abondamment diffusées des années 1950 – les majestueuses mosaïques réalisées à la spatule. Il devient ainsi un artiste touche-à-tout, dont l’inventivité n’a pas fini de se dévoiler.

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