Passion hivernale | Robinson (2 de 2)

Petite histoire (de l'art) par Anne-Marie Bouchard, conservatrice de l'art moderne, MNBAQ
24 mars 2016

La collection d’œuvres d’art de l’homme d’affaires et philanthrope Pierre Lassonde, présentée dans l'exposition Passion privée, est le fruit de l’exercice de l’œil averti du collectionneur, qui avance patiemment, ne voulant acquérir que ce qu’il y a de mieux. S’en dégage également un amour pour le paysage, et plus particulièrement pour les scènes d’hiver, cette saison qui définit véritablement le Québec.

Nous souhaitions aborder ce sujet du paysage hivernal dans une série de billets de blogue décrivant près d'une vingtaine d'œuvres présentées en salle d’exposition.

Pour cet article, Anne-Marie Bouchard, conservatrice de l'art moderne au MNBAQ, décrit Baie-Saint-Paul d'Albert Henry Robinson.

Baie-Saint-Paul de Robinson
Albert Henry Robinson, Baie-Saint-Paul, 1928. Huile sur toile, 69,2 x 84,5 cm. Collection Pierre Lassonde.

Dans Baie-Saint-Paul, le point de vue plus éloigné révèle une stratégie d’organisation de la composition comparable à celle du paysage de La Malbaie. Le premier plan, surdimensionné jusqu’à occuper plus de la moitié de la hauteur du canevas, est constitué par une masse de neige sur laquelle se découpe un plan d’eau en forme de croissant. Ce plan d’eau plus foncé amène le regard vers le centre de la composition, où deux carrioles se déplacent l’une derrière l’autre sur un chemin traversant la toile sur toute sa largeur. La silhouette du centre-ville de Baie-Saint-Paul forme une frise architecturale unifiée par les tonalités de couleur utilisées pour rendre les nuances des revêtements en brique. À la différence de la vue de La Malbaie, l’orientation, la nature et l’envergure des bâtiments sont nettement plus hétérogènes.

Tandis que les clochers de l’église atteignent pratiquement le haut du support et que plusieurs édifices en hauteur dénotent une plus grande densité urbaine, un ensemble de petites maisons et de constructions utilitaires ressortent du premier plan grâce à leurs toits enneigés et à la linéarité avec laquelle Robinson rend les planches de bois qui les recouvrent. Ce raffinement du motif se double d’une grande précision dans le rendu de la façade de la cathédrale et des bâtiments adjacents, ce qui ajoute à l’effet de contraste avec les masses fluides de la neige et de l’eau du premier plan. Les pentes enneigées des montagnes se profilent en segmentant les cimes bleutées de la chaîne laurentienne par de longues courbes qui se détachent sur un ciel de fin de journée à la luminosité éclatante. Le rendu de ces montagnes n’est pas sans rappeler l’esthétique de Clarence Gagnon, avec qui Robinson peignit à quelques reprises.

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